M HKA Ensembles

Peinture, 55.5 x 86.5 cm.

Collection: Belfius Art Collection.

À l’été 1639, Philippe IV d’Espagne commande à Rubens quatre grands tableaux pour le nouveau salon de l’Alcazar à Madrid. Cette commande inclut deux tableaux d’environ 3,5 mètres sur 4,5 mètres : L’Enlèvement des Sabines et La réconciliation des Romains et des Sabins. Le Cardinal-infant Ferdinand, qui séjourne à Bruxelles, rapporte à l’automne de cette année à son frère, le roi, que l’artiste travaille aux tableaux « con grande animo ». Aux environs du Nouvel An, Rubens est cependant frappé par de violentes crises de goutte. Une main invalide l’empêche de travailler. Ce qui ne dissuade en rien Ferdinand d’accroître la pression sur l’artiste. Ce n’est que vers le mois de mai que Rubens, quelque peu guéri, poursuit le travail jusqu’à sa mort, le 30 de ce mois.

La Réconciliation est presque achevée, mais de l’Enlèvement, seule l’ébauche est réalisée. Après avoir prié en vain Van Dyck de terminer les tableaux, Ferdinand (qui qualifie l’artiste de loco rematado, fou à lier) confie à Gaspar de Crayer la tâche d’achever L’Enlèvement. Bien qu’il ne fût pas un ami de Rubens, on l’en estime capable. Les deux plus petites œuvres sont finalement achevées par Jordaens. Les deux grandes toiles, hélas, ne survivront pas à l’incendie de l’Alcazar en 1734.

Les quatre esquisses à l’huile présentées ici sont les dernières études de Rubens. Selon Les Fastes du poète Ovide, les premiers Romains manquaient de femmes pour assurer la continuité de leur société. Pour y remédier, ils ont organisé une fête à laquelle ils ont invité un peuple voisin, les Sabins. Au cours des festivités, ils ont enlevé les Sabines nubiles, sur quoi les Sabins ont pris les armes. Au moment de l’attaque, les femmes sont entrées en action : elles se sont interposées entre les deux armées et ont supplié les hommes de faire la paix. Et leur volonté fut exaucée. Rubens représente les deux épisodes essentiels de cette « guerre des sexes » dans laquelle l’amour et la force de persuasion parviennent à contenir la violence brutale.

Texte: Nico Van Hout, 2018