Réserves: Meurtres [Reserves: Murders]
1989-1990
Installation, 200 x 500 x 500 cm.
Materials: wood, paper, light
Collection: Collection M HKA, Antwerp (Inv. no. BK5911_M105).
Les musées veillent à présenter les œuvres de manière optimale : leur installation dans l’espace et leur éclairage sont évalués avec soin et professionnalisme. Les sources lumineuses sont placées de manière à ne pas être un élément perturbateur. Dans ses installations, Christian Boltanski en finit avec le problème de la présence dérangeante de l’éclairage; celui-ci constitue un élément visuel de l’ensemble. Dix photographies en noir et blanc, peu distinctes, sous verre, « encadrées » de ruban adhésif noir comme d’un brassard de deuil, reposent chacune sur dix petites étagères blanches fixées au mur et sont toutes éclairées par une lampe de bureau suspendue au-dessus d’elles. Les lampes se recourbent brutalement sur les photos et leur lumière se reflète dans le verre, rendant les photographies à peine perceptibles. Les dix lampes forment un seul circuit, dont les câbles relient les photos en formant une ligne ondoyante.
Sur les photos des photos (de coupures de presse, d’albums de famille, d’archives), l’on aperçoit, entre autres, un petit enfant dans un cercueil, une vielle femme sur son lit de mort, et d’autres situations représentant des morts, dont on ne peut que supposer les circonstances précises. Ces images estompées de personnes défuntes et leur anonymat collectif ouvrent la voie à l’imagination du spectateur, ce qui confère son intensité à l’œuvre. De manière quasi bureaucratique, Boltanski documente et archive ses photos de morts, toutes « trouvées » dans différentes « réserves » (littéralement ses stocks). Les lampes de l’installation servent normalement à éclairer des tables de travail dans des bureaux ou des chambres d’adolescent, mais l’on n’a certes pas l’habitude de les voir faire office de source lumineuse dans un musée. Elles attirent l’attention sur chaque individu représenté sur les photos, mais elles engendrent aussi une atmosphère sinistre de questionnement et de torture. À l’instar des bougies peintes sur les vanités du XVIIe siècle, dans le but de rappeler au spectateur que nous sommes tous mortels (une bougie peut se consumer ou s’éteindre brusquement), les lampes constituent un élément inhérents aux ‘memento mori’ contemporains de Boltanski.